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La difficulté pour comprendre la généralisation de la notion de vecteur
est liée à l'habitude qu'a le physicien de la représentation des vecteurs
de la géométrie classique, à trois dimensions, utilisées en physique.
Il faut abandonner toute représentation pour les "vecteurs" que l'on étudie ici. Une seconde
difficulté est liée à la terminologie qui reprend le terme de vecteur pour désigner des
êtres mathématiques très divers et plus abstraits.
Triplet de nombres réels - Considérons l'exemple suivant : on appellera
vecteur un ensemble de trois nombres réels ordonnés
.
Certes une telle définition se réfère implicitement aux vecteurs libres de la
géométrie classique qui sont représentés par trois composantes, mais c'est à
présent ce triplet de nombres que l'on appelle un vecteur, sans faire référence à un
espace géométrique quelconque. On note ce vecteur
ou, sous une forme
plus condensée, par le symbole
; on a donc
.
Appelons l'ensemble de tous les vecteurs
ainsi définis.
Opérations sur les vecteurs - Pour un tel objet, dégagé de toute attache
géométrique, on peut aisément définir des opérations entre vecteurs, analogues aux
lois classiques d'addition des vecteurs libres et de leur multiplication par un scalaire.
Par définition, à deux vecteurs
et
, l'addition vectorielle fait correspondre un autre vecteur
,
noté
, tel que :
 |
(1.16) |
Le vecteur
est appelé la somme des vecteurs
et
.
Également par définition, à un vecteur
, la multiplication
par un nombre réel fait correspondre un autre vecteur
, noté
tel que :
 |
(1.17) |
Le vecteur
est appelé le produit de
par le nombre
réel . Par suite, les nombres réels seront appelés des scalaires.
On remarque que ces deux opérations sur les vecteurs font correspondre à un ou plusieurs
éléments de l'ensemble , un autre élément de ce même ensemble. On dit que ces
opérations sont des lois de composition interne.
Remarque - Par suite, les vecteurs constitués par des triplets de nombres
seront associés à un espace ponctuel et ce dernier pourra, si on lui attribue cette
signification, constituer une représentation de l'espace physique à trois dimensions.
Mais les vecteurs sont définis de manière générale, ainsi qu'on va le voir, uniquement
à partir des propriétés des opérations entre les éléments d'un ensemble.
Dans l'exemple précédent, on a les propriétés suivantes :
On démontre aisément ces diverses propriétés en partant de la définition des opérations
(1.16) et (1.17). Par exemple, la distributivité par rapport à l'addition
vectorielle se démontre comme suit :
![\begin{displaymath}\begin{array}[b]{lcl} \lambda\,(\mathbf{x}+\mathbf{y})&=&\lam...
...^{2},y^{3})=\lambda\,\mathbf{x}+\lambda\,\mathbf{y} \end{array}\end{displaymath}](img75.gif) |
(1.18) |
Multiplet de nombres réels - La généralisation de l'exemple des vecteurs de
, se fait aisément en considérant un multiplet constitué de nombres réels
ordonnés
que l'on appellera un vecteur. Sous forme condensée, on note
ce vecteur ; on a :
 |
(1.19) |
De même que précédemment, on peut définir deux lois de composition interne entre ces
vecteurs :
- L'addition vectorielle qui à deux vecteurs
et
fait correspondre leur somme
définie
par :
 |
(1.20) |
- La multiplication par un scalaire
qui à un vecteur
fait correspondre le produit
défini
par :
 |
(1.21) |
On vérifie aisément que ces deux lois d'addition et de multiplication possèdent les mêmes
propriétés, notées précédemment A1 à A4 et M1 à M4, que celles
des vecteurs de .
Polynômes - Ces propriétés fondamentales, A1 à A4 et M1
à M4, se trouvent être identiques pour les opérations d'addition et de multiplication
par un scalaire effectuées sur une très grande variété d'êtres mathématiques.
À titre d'exemple, considérons le polynôme de degré trois :
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(1.22) |
À l'addition de deux polynômes et de degré trois correspond un autre
polynôme de même degré. On vérifie aisément que l'addition des polynômes
possède les propriétés A1 à A4 de l'addition vectorielle.
La multiplication d'un polynôme par un scalaire donne un autre polynôme
de degré trois et cette multiplication possède les propriétés M1
à M4.
Par suite de cette identité des propriétés des opérations sur les polynômes avec celles
des opérations sur les vecteurs de la géométrie classique, on peut considérer les
polynômes comme des vecteurs.
Autres exemples - On sait définir des opérations telles que l'addition et la
multiplication par un scalaire, sur des êtres mathématiques très divers. C'est le cas par
exemple, des nombres complexes, des matrices, des fonctions définies sur un intervalle donné,
etc. Ainsi qu'on peut le vérifier pour chaque cas particulier, ces opérations vérifient
respectivement les propriétés fondamentales A1 à A4 et M1 à M4.
Au lieu de considérer la multiplication par un nombre réel, il est possible d'utiliser des
nombres complexes. Cependant, nous nous limitons par la suite à l'emploi des nombres réels pour
la multiplication.
Ces exemples conduisent à définir de manière générale les vecteurs uniquement
à partir de leurs propriétés opératoires.
Pour cela, considérons un ensemble d'éléments quelconques que l'on note
, etc. Supposons qu'il existe entre ces éléments les deux lois
de composition interne suivantes :
Par définition, l'ensemble , muni de ces deux lois de composition interne, est appelé un
espace vectoriel par rapport au corps des nombres réels. Les éléments
,
, etc de
sont appelés des vecteurs.
Il peut être utile de distinguer l'ensemble d'éléments que l'on se donne au
départ, de l'espace vectoriel lui-même.
Lorsqu'on ajoute à l'ensemble , deux lois de composition interne, ces lois vont constituer
une structure pour cet ensemble . Ce dernier, muni de ces deux lois possèdant
respectivement les propriétés A1 à A4 et M1 à M4, devient alors un
ensemble muni d'une structure d'espace vectoriel. Cet espace vectoriel se confond évidemment
en tant qu'ensemble d'éléments avec l'ensemble . Cependant, il s'en distingue en tant
qu'espace qui constitue un ensemble structuré. On peut dire que constitue le support de
.
De manière générale, munir un ensemble d'une ou plusieurs relations et lois de composition,
c'est lui conférer une structure. Cette dernière est définie par les propriétés qui
régissent les relations et les opérations dont la structure est pourvue.
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