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L'expression des lois de la Physique doit être indépendante du système de coordonnées par rapport auquel ces lois, mises sous forme
d'équations, sont écrites. En ce sens, le calcul tensoriel, appliqué à la Physique, trouve pleinement sa justification puisqu'il vise précisément
à exprimer des propriétés intrinsèques, c'est-à-dire indépendantes du système de coordonnées utilisé pour les expliciter. On obtient ainsi des
relations qui seules sont susceptibles d'exprimer une certaine réalité physique.
Par suite, le physicien cherchera à exprimer les propriétés des systèmes physiques sous forme tensorielle. Ceci conduit, éventuellement, à définir
et utiliser en Physique de nouvelles entités mathématiques qui soient précisément des tenseurs.
En coordonnées orthogonales ou obliques, les différentielles
d des composants covariantes d'un vecteur, constituent également
les composantes d'un vecteur ; les dérivées partielles
forment un tenseur d'ordre deux. Il n'en est plus de même en
coordonnées curvilignes quelconques, ainsi que nous l'avons vu au cours de l'exercice (4.10). Examinons les raisons de ces propriétés tensorielles ou non.
Translation - Pour déterminer la différence entre deux vecteurs
et
placés respectivement en deux points et
infiniment voisins, il faut au préalable transporter parallèlement à lui-même le vecteur
du point au point . Lors de cette
translation, ou transport parallèle, les composantes de
ne varient dans le cas de coordonnées rectilignes (les repères naturels
étant identiques en chaque point) et les
d sont évidemment les composantes du vecteur
.
Par contre, en coordonnées curvilignes, le transport parallèle de
au point , c'est-à-dire sa translation le long d'une droite
joignant à , va modifier, en général, la valeur de ses composantes dans le repère naturel. C'est ce que l'on voit aisément, par exemple, pour
un champ de vecteurs en coordonnées polaires représenté sur la figure 5.1.
Figure 5.1
![\includegraphics[width=90mm height=70mm]{fig10.eps}](img1908.png) |
Notons
le vecteur
transporté parallèlement au point . Le vecteur :
d |
(5.61) |
est appelé la différentielle absolue du vecteur
. Les composantes de
d dans le repère naturel du point , ne coïncideront
pas, en général, avec les différences des composantes de
et
. Nous allons déterminer l'expression des composantes de
d .
Variation le long d'une géodésique - Nous avons vu que dans l'espace euclidien, les géodésiques sont des droites. Un transport
parallèle consiste donc à se déplacer le long d'une géodésique et nous allons étudier les variations d'un vecteur au cours d'un tel déplacement.
L'équation des droites, pour un système de coordonnées curvilignes quelconque de l'espace ponctuel
est donnée par la
relation (5.60) :
 |
(5.62) |
où est l'abscisse d'un point de la droite comptée sur celle-ci à partir d'une origine donnée.
Le vecteur de composantes contravariantes
d d est un vecteur unitaire
porté par la droite ; en d'autres termes, les quantités
d d sont les cosinus directeurs de la droite dans chacun des repères naturels
. Considérons un vecteur
de
de composantes covariantes et formons le produit scalaire des vecteurs
et
; on a la quantité scalaire suivante :
 |
(5.63) |
Lors d'un déplacement le long de la géodésique, d'un point à un point infiniment voisin , le scalaire subit la variation :
d |
(5.64) |
Remplaçons dans cette dernière expression, d'une part, la différentielle
d par son développement :
d |
(5.65) |
et d'autre part, la dérivée seconde
d par son expression tirée de l'équation des géodésiques (5.62). On obtient :
d |
(5.66) |
Différentielle absolue - L'expression (5.66) peut encore s'écrire :
d d |
(5.67) |
où l'on a posé :
d d |
(5.68) |
La variation du produit scalaire
d est égale à la différence des produits scalaires du vecteur
par les
vecteurs
et
. Le produit scalaire
étant indépendant de tout repère, on a :
 |
(5.69) |
d'où :
d d |
(5.70) |
Le vecteur
d est la différentielle absolue du vecteur
, définie par (5.61), et il a pour composantes covariantes,
selon la relation (5.67), les quantités
d . Ces dernières sont appelées les différentielles absolues des composantes covariantes du
vecteur
.
Remarque - En coordonnées curvilignes, la différentiation ordinaire d'un produit dans la formule (5.64) peut être utilisée car
elle concerne une grandeur scalaire. Par contre, la différentiation ordinaire d'un vecteur
exprimé dans un repère naturel,
, ne peut se faire a priori sous la forme classique
d d d par suite de la
variation des bases naturelles d'un point à un autre. Nous verrons cependant que cette dernière formule s'applique pour la différentielle absolue d'un
vecteur.
Composantes covariantes - Les quantités entre parenthèses qui apparaissent dans l'expression (5.68) et que l'on note
, à savoir :
 |
(5.71) |
sont les composantes covariantes d'un tenseur du second ordre ainsi que nous allons le montrer.
Pour cela, partons des relations de transformation des composantes covariantes d'un vecteur lorsqu'on passe des coordonnées aux coordonnées
, soit :
 |
(5.72) |
où
représente une composante covariante de
dans le système de coordonnées
. La dérivation partielle par rapport à
est notée par le symbole
et l'on a :
 |
(5.73) |
On a l'expression suivante de la dérivée seconde :
 |
(5.74) |
où les symboles de Christoffel surlignés sont relatifs aux coordonnées
. La relation
(5.73) peut alors s'écrire :
 |
(5.75) |
Cette dernière expression peut être réarrangée sous la forme suivante :
 |
(5.76) |
Cette relation, vérifiant la loi de changement de coordonnées des composantes covariantes d'un tenseur
d'ordre deux, montre que les quantités
sont les composantes covariantes d'un tenseur
d'ordre deux qui est appelé la dérivée covariante du vecteur
.
Champ uniforme - Si toutes composantes
de la dérivée covariante
sont nulles, les variations du produit scalaire
sont nulles et par suite les
différents vecteurs du champ sont équipollents entre eux. On est en présence d'un champ uniforme.
On remarque que, dans ce cas, les dérivées partielles
ne sont pas nulles et qu'il
en est de même pour la diffrentielle
d . Ceci résulte du fait que les repères naturels,
pour un système de coordonnées curvilignes quelconque, ne sont pas identiques en chaque point.
L'égalité par translation de deux vecteurs se traduit par le fait que le tenseur dérivée covariante
doit être identiquement nul pour cette translation.
Composantes mixtes - Les composantes mixtes du tenseur dérivée covariante sont
données par :
 |
(5.77) |
Remplaçons dans l'expression précédente le terme
tiré de la relation
suivante :
 |
(5.78) |
et utilisant l'expression suivante obtenue à partir des relations (5.19) et (5.28) :
 |
(5.79) |
on obtient :
 |
(5.80) |
Les deux derniers termes de l'équation précédente font apparaître les composantes contravariantes
du vecteur
. Les composantes mixtes du tenseur dérivée covariante, notées
, sont donc données par :
 |
(5.81) |
Linéarité de la dérivée covariante - Considérons le vecteur
de
composantes contravariantes
; sa dérivée covariante est donnée par :
![\begin{displaymath}\begin{array}[b]{lcl} \nabla_{j}\,t^{k}&=&\partial_{j}\,t^{k}...
...trm{$\Gamma^{}_{i}$$^{}_{}$$^{k}$$^{}_{j}$}\,v^{i}) \end{array}\end{displaymath}](img1958.gif) |
(5.82) |
On voit apparaître les dérivées covariantes des vecteurs
et
, d'où :
 |
(5.83) |
La dérivée covariante d'une somme de vecteurs est égale à la somme des dérivées
covariantes. On obtient de même pour un vecteur
, où est une
constante :
 |
(5.84) |
Les calculs et définitions précédentes s'étendent sans difficulté à des tenseurs
d'ordre quelconque. Montrons le sur un exemple en considérant les composantes
d'un tenseur
du troisième ordre.
Choisissons pour cela trois champs de vecteurs uniformes de composantes respectives , ,
et formons le produit contracté
. On obtient un scalaire dont la
variation élémentaire s'écrit :
![\begin{displaymath}\begin{array}[b]{lcl} \text{d}\,(u^{r}_{st}\,a_{r}\,b^{s}\,c^...
...a_{r}\,b^{s}\,\partial_{k}\,c^{t})\,\text{d}\,y^{k} \end{array}\end{displaymath}](img1967.gif) |
(5.85) |
Les champs de vecteurs , , étant uniformes, les dérivées covariantes de leurs
composantes sont nulles et l'on obtient donc pour expression de leurs dérivées partielles :
 |
(5.86) |
Reportant ces expressions dans la relation (5.85) donnant la variation élémentaire, il vient :
d d |
(5.87) |
Cette relation met en évidence le système tensoriel suivant :
 |
(5.88) |
qui généralise les expressions de la dérivée covariante d'un vecteur. Par définition, les quantités
sont les dérivées
covariantes des composantes mixtes
du tenseur
.
On voit apparaître dans cette expression la règle de formation de la dérivée covariante des composantes d'un tenseur d'ordre quelconque. À la dérivée
partielle classique d'une composante, dans le cas
, s'ajoute un terme de la forme
pour chaque indice contravariant et se
retranche un terme de la forme
pour chaque indice covariant, la sommation dans chacun de ces termes s'effectuant sur l'indice
considéré.
La dérivation covariante se réduit à la dérivation partielle ordinaire pour un système de coordonnées cartésiennes.
On démontre la propriété de tensorialité de la dérivée covariante des composantes d'un tenseur de façon analogue à celle déjà utilisée pour la
dérivée covariante des composantes d'un tenseur.
Linéarité - Les propriétés de linéarité de la dérivée covariante des composantes d'un tenseur résulte de la linéarité de la dérivée partielle et celles
des termes supplémentaires. On a par exemple, pour un tenseur
:
 |
(5.89) |
 |
(5.90) |
Dérivée covariante d'un produit tensoriel - Considérons par exemple le produit tensoriel suivant :
 |
(5.91) |
La dérivée covariante de ce produit tensoriel s'écrit :
 |
(5.92) |
On voit apparaître les dérivées covariantes de chacun des tenseurs et ; on a donc la relation :
 |
(5.93) |
On obtient pour la dérivée covariante du produit tensoriel une règle de dérivation analogue à celle de la dérivée partielle ordinaire du
produit de deux fonctions.
Contraction - La dérivation covariante et la contraction sont deux opérations permutables. Montrons cette propriété par exemple sur le
tenseur
. La dérivée covariante de ce tenseur est donnée par la relation (5.88), à savoir :
 |
(5.94) |
Effectuons une contraction sur les indices et en faisant ; ceci
revient à calculer les quantités
.
Après contraction, dans le second membre de la relation (5.94), le
deuxième et le quatrième terme, qui ne diffèrent que par les noms des
indices muets, sont identiques et ils s'annulent ; la relation (5.94) se
réduit alors à :
 |
(5.95) |
On obtient une expression identique en contractant d'abord les composantes, soit
, puis en calculant la dérivée
covariante
des composantes contractées. On a donc :
 |
(5.96) |
La contraction et la dérivation covariante sont donc des
opérations permutables.
Produit contracté - On va en déduire que la règle
(5.93) de dérivation covariante du produit tensoriel peut s'appliquer
à un produit contracté.
Soit par exemple, les composantes d'un tenseur formées par le produit
contracté
. Utilisons la propriété de permutation
(5.96) ainsi que la règle de dérivation covariante (5.93) ;
on obtient :
![\begin{displaymath}\begin{array}[b]{lcl} \nabla_{r}\,(u^{ij}_{k}\,v_{mi})&=&\del...
...^{ij}_{k})\,v_{mi}+u^{ij}_{k}\,(\nabla_{r}\,v_{mi}) \end{array}\end{displaymath}](img1990.gif) |
(5.97) |
Considérons un vecteur
de composantes covariantes .
Les quantités données par (5.71), à savoir :
 |
(5.98) |
sont les composantes covariantes de la dérivée covariante du vecteur
.
Calculons la dérivée covariante seconde de ce vecteur, par rapport à une
coordonnée curviligne .
Appliquons la règle de formation de la dérivée covariante d'un tenseur aux
composantes covariantes
, il vient :
 |
(5.99) |
Substituant l'expression (5.98) dans la relation précédente, on
obtient :
![\begin{displaymath}\begin{array}[b]{lcl} \nabla_{k}(\nabla_{j}\,v_{i})&=&\partia...
...xtrm{$\Gamma^{}_{r}$$^{}_{}$$^{l}$$^{}_{i}$}\,v_{l} \end{array}\end{displaymath}](img1994.gif) |
(5.100) |
|