Sous-sections
Soit une courbe quelconque d'un espace de Riemann
définie par une
représentation paramétrique . Un point de la courbe est pris comme origine et
correspond à la valeur du paramètre .
Nous nous proposons de faire correspondre, à chaque point de la courbe , un point et un
repère
de l'espace euclidien
. Pour cela, considérons
dans l'espace euclidien un point de départ auquel nous attachons un repère cartésien
, déterminé en grandeur et en forme, mais pas en orientation, par les valeurs
numériques des de l'espace de Riemann au point ; on a donc :
 |
(6.57) |
D'autre part, les points de l'espace euclidien et les vecteurs des repères naturels
vérifient les relations différentielles :
où les
sont les valeurs des symboles de Christoffel calculés à partir
des de la métrique riemannienne au point de la courbe . Ce sont donc des fonctions qui
dépendent du seul paramètre .
Les fonctions inconnues
et
peuvent être obtenues par intégration du
système différentiel (6.58) avec les conditions initiales précédentes pour . On
obtient alors une courbe, définie par
, qui est appelée le développement de la courbe
sur l'espace euclidien. On notera le développement de la courbe .
Métrique euclidienne de raccordement - Plus précisément, on va montrer qu'il existe
dans l'espace euclidien
une métrique telle que que ses coefficients
et leurs dérivées premières, pris le long de la courbe
, ont les mêmes
valeurs numériques que les coefficients et leurs dérivées premières, aux points
homologues de la courbe dans l'espace de Riemann.
Cela siginifie qu'il existe une métrique euclidienne osculatrice à la métrique donnée le long de
la courbe . On dira que cette métrique euclidienne osculatrice constitue la métrique
euclidienne de raccordement le long de la courbe .
Détermination d'une métrique euclidienne de raccordement - Soit une courbe d'un
espace de Riemann
telle que :
 |
(6.59) |
ce qui ne restreint pas la généralité puisque l'on peut toujours faire un changement des
coordonnées de
. Les variations de la coordonnée dépendent du
paramètre .
Utilisons la convention suivante sur les indices : ceux notés par des lettres grecques prendront les
valeurs 2 à , tandis que ceux notés par des lettres latines prendront les valeurs 1 à . Dans
ces conditions, le développement de la courbe est une courbe de l'espace euclidien
déterminée par les relations différentielles suivantes :
Cherchons à présent un système de coordonnées de l'espace euclidien qui donne une
métrique euclidienne osculatrice à la métrique riemannienne simultanément en tous les points de
. Pour cela, à tout point de coordonnées , situé au voisinage d'un point de ,
faisons correspondre un point au voisinage de dans
en posant :
 |
(6.61) |
où les fonctions
sont du troisième ordre par rapport aux variables
. On obtient ainsi un système de coordonnées curvilignes , dans
, qui permet de localiser chaque point au voisinage de la courbe . Pour un tel
système de coordonnées , le repère naturel au point
est parfaitement défini par les
vecteurs donnés par les relations (6.60) et (6.61), à savoir :
 |
(6.62) |
On obtient ainsi un repère naturel identique à celui qui a été obtenu précédemment par intégration du système différentiel (6.58) lors
du développement de la courbe . La métrique de
, dans le système de coordonnées , admet donc pour coefficients
au point les produits scalaires
.
Montrons que les coefficients
sont égaux, en tout point de la courbe , aux coefficients de la métrique riemannienne. Pour
cela, utilisons la relation (6.60)(b) dans l'expression de la différentielle du produit scalaire
, soit :
De leur coté, les coefficients de la métrique riemannienne sont liés aux symboles de Christoffel par la relation (5.26), à savoir :
d d |
(6.64) |
Ces coefficients vérifient donc les relations différentielles :
La comparaison des relations (6.63) et (6.65) montrent que les quantités
et vérifient
respectivement un même système différentiel en tout point de la courbe . Puisqu'on a, au point , selon (6.57), des conditions
initiales identiques, à savoir :
, on obtient en tout point de :
 |
(6.66) |
Les métriques euclidiennes et riemannienne sont donc tangentes en tous les points de la courbe . Montrons qu'elles sont également osculatrices le long
de cette courbe. Pour cela, il suffit de démontrer que les valeurs numériques
sont également les valeurs des symboles de
Christoffel sur la courbe pour la métrique euclidienne.
Les symboles de Christoffel sont les coefficients des vecteurs
dans la décomposition du vecteur
. Or, d'après les relations (6.60)(b) et (6.62) on a pour la coordonnée
:
 |
(6.67) |
et pour les autres coordonnées, on obtient d'après la relation (1.88) :
 |
(6.68) |
La métrique euclidienne est donc osculatrice le long de la courbe et constitue une métrique euclidienne de raccordement le long de cette courbe.
Espace euclidien de raccordement - De même que pour les métriques euclidiennes tangentes ou osculatrices auxquelles on a associé un espace
euclidien tangent ou osculateur, on peut associer à la métrique euclidienne de raccordement un espace euclidien de raccordement.
Grâce à la détermination, en chaque point , d'un repère cartésien, on a en réalité développé sur l'espace euclidien non seulement la
courbe donnée mais encore toute la région infiniment petite de l'espace de Riemann qui entoure cette courbe. La relation (1.88) définit les
coordonnées curvilignes de cet espace euclidien de raccordement.
Le développement d'une courbe et l'utilisation d'une métrique euclidienne de raccordement permettent de mettre en évidence diverses propriétés
géométriques des espaces de Riemann. Étudions auparavant des exemples de transport parallèle le long d'une courbe.
Déplacement le long d'un petit cercle d'une sphère - On a une représentation concrète d'un espace de raccordement le long d'une courbe
en projetant orthogonalement les points d'une surface de Riemann sur la développable circonscrite à la surface le long de la courbe . Dans ce
cas, les métriques des deux surfaces sont osculatrices en chaque point de et d'autre part, la métrique de est euclidienne. Par suite, la surface
déroulée sur un plan, donne un espace euclidien de raccordement le long de la courbe .
Figure 6.2
![\includegraphics[width=77mm height=77mm]{fig7_2.eps}](img2473.png) |
On a vu qu'une surface sphérique à deux dimensions constitue un espace de Riemann. Considérons sur une sphère de rayon , un petit cercle de
pôle . Soit le demi-angle au sommet du cône qui a pour sommet le centre de la sphère et pour base le petit cercle
(Fig. 6.2).
Dans le cas de la sphère considérée, le développement du cercle sur un plan s'obtient en développant la développable circonscrite à la
sphère le long du cercle. Cette développable est un cône dont les génératrices ont pour longueur
tan . La surface du cône, déroulé sur un plan,
fournit un espace euclidien (Fig. 6.3).
Figure 6.3
![\includegraphics[width=77mm height=77mm]{fig7_3.eps}](img2475.png) |
Le développement de la courbe donne un arc de cercle, de centre et de rayon ; la longueur de cet arc de cercle est celle du petit cercle de la
sphère, à savoir
sin . On voit que le point de départ dans l'espace euclidien ne coïncide pas avec le point d'arrivée
, après avoir parcouru le cycle formé dans le cas présent par le cercle .
Si désigne l'angle , on a :
D'autre part, l'aire limitée sur la sphère par le petit cercle, est en coordonnées sphériques :
On obtient la relation suivante entre l'aire déterminée par le cycle, ici la courbe , et le carré du rayon de courbure de la surface
considérée, ici la sphère de rayon :
 |
(6.71) |
Attachons à chaque point du cercle deux axes rectangulaires, tangent au cercle dans le sens du parcours choisi, tangent à la méridienne
passant par . Ces axes occupent les positions représentées sur la figure 6.2. Effectuons un transport parallèle des vecteurs portés par
ces axes. Dans l'espace euclidien de raccordement, ces axes ont les positions et au début du parcours, et les positions et en fin de
parcours du cercle (Fig 6.3). Pour retrouver la position initiale, il faut, dans l'espace euclidien, effectuer un déplacement associé formé par
:
- d'une part une translation qui amène
en et qui a pour grandeur :
- d'autre part, une rotation qui amène le repère
à être parallèle au repère . C'est précisément une rotation de l'angle
, effectuée dans le sens de parcours du cycle. Cette rotation est égale au produit de l'aire limitée par le cycle par la courbure totale
de la sphère.
Déplacement le long d'un triangle sphérique - Retrouvons par un calcul de géométrie sphérique les mêmes propriétés que
ci-dessus mais pour un cycle différent.
Figure 6.4
![\includegraphics[width=95mm height=77mm]{fig7_4.eps}](img2495.png) |
Considérons un triangle sphérique
formé par les intersections de trois géodésiques. Appelons
, les valeurs des
angles respectifs des tangentes aux géodésiques aux points
. Soit un vecteur
qui au point fait un angle avec
la tangente en ce point à la géodésique allant de à (Fig. 6.4).
Réalisons un transport parallèle du vecteur
le long de
. Appelons
le vecteur
lorsqu'il est transporté
parallèlement au point ; les vecteurs
et
sont équipollents par rapport à la géodésique
. En , le
vecteur
fait avec la tangente
un angle égal à
.
Transportons parallèlement le vecteur
le long de la géodésique
; on obtient le vecteur
équipollent à
au
point . Puis on effectue un transport parallèle de
le long de
et l'on obtient
au point . Finalement, après
un transport parallèle selon ce circuit fermé, le vecteur initial
a tourné d'un angle tel que :
 |
(6.73) |
L'angle est appelé excès sphérique du triangle. cette quantité, nulle pour un triangle plan, est positive pour un triangle
sphérique. On démontre que l'aire du triangle sphérique, pour une sphère de rayon , est égale à
. On retrouve l'expression
(6.71) donnant la relation entre l'angle de rotation du vecteur transporté et l'aire de la surface délimitée par le circuit parcouru.
Déplacement associé - La propriété de rotation d'un vecteur transporté parallèlement le long d'un cycle se généralise pour une surface
quelconque.
De manière générale, si l'on considère dans un espace de Riemann, un cycle partant d'un point , on va développer ce cycle dans l'espace
euclidien en partant de et du repère
, on obtient, après avoir transporté parallèlement le repère le long du cycle, une
position finale et un repère
. Pour retrouver la position initiale, dans l'espace euclidien, il faudra effectuer un certain
déplacement qui amène le point en et le repère
en
. Ce déplacement est dit associé au
cycle considéré.
Figure 6.5
![\includegraphics[width=73mm height=60mm]{fig7_5.eps}](img2511.png) |
Le déplacement associé à un cycle peut être déterminé d'une façon équivalente en considérant deux chemins différents le long de ce cycle.
Considérons un cycle
(Fig 6.5) d'un espace de Riemann et partons du point intermédiaire pour aller vers
selon deux chemins différents
et
. Le développement de ces deux chemins sur l'espace euclidien de raccordement
donne des repères dont les positions finales, en , sont distinctes. Le déplacement qui amène ces deux repères à coïncider est identique au
déplacement associé au cycle.
Le calcul du déplacement associé à un cycle élémentaire va nous permettre d'exprimer la rotation subie par un vecteur après un transport
par équipollence le long d'un cycle. La méthode suivante a été imaginée par Elie Cartan.
Pour cela, considérons deux systèmes de différentiation désignés respectivement par les symboles d et . Soit un point
quelconque, de coordonnées , d'un espace de Riemann ; soit le point de coordonnées
et le point de coordonnées
. Le vecteur
définit un déplacement élémentaire
; le vecteur , un déplacement
élément élémentaire
. Effectuons à présent sur le point , un déplacement élémentaire
, on
obtient un point de coordonnées :
Effectuons de même sur , le déplacement élémentaire
; on obtient un point de coordonnées :
On voit que le point coïncidera avec le point si l'on a :
d d |
(6.76) |
autrement dit les deux différentiations sont interchangeables. Dans ce cas, si est une fonction deux fois continuement dérivable des variables
, on a :
Un même calcul pour
d nous donne, en admettant l'égalité (6.76) :
d d |
(6.78) |
Nous supposerons par la suite que les deux différentiations considérées sont échangeables entre elles. Considérons alors un cycle élémentaire
d'un espace riemannien, formé de quatre cotés (Fig 6.6) constituant un quasi-parallélogramme. Nous supposerons que
ce cycle est parcouru dans l'odre indiqué par la notation.
Figure 6.6
![\includegraphics[width=65mm height=48mm]{fig7_6.eps}](img2540.png) |
Développons les deux chemins qui du point vont au point , l'un étant
et l'autre
. Développons d'abord sur
l'espace euclidien le côté du cycle. Au point correspond un repère euclidien
; lorsqu'on passe au point infiniment
voisin , on a les variations élémentaires suivantes :
où
désigne la forme différentielle prise pour les
d .
De même, le développement de donne les variations :
 |
(6.80) |
Le développement du chemin
va se faire en partant, dans l'espace euclidien, du point et du repère
. Pour
cela, il faut appliquer l'opération définie par les formules (6.80) mais au lieu de considérer les coordonnées il faut à
présent les remplacer par
d , puisqu'on part du point . On obtient, dans l'espace euclidien, un point d'arrivée et un
repère
tels que :
Le développement du chemin
nous donne un point d'arrivée et un repère en ce point
tels que :
Par suite, pour passer du repère
au repère
, il faut effectuer un déplacement donné par les
formules :
Calculons l'expression du second membre de (6.83) à l'aide des relations (6.79) et (6.80), on obtient :
Les deux développements conduisent, à l'approximation considérée, au même point pour le repère final. Comparons à présent les vecteurs
des deux repères qui ont transité par deux chemins différents. On a:
Les relations (6.79) et (6.80) nous donnent :
Posons :
Le déplacement associé au cycle élémentaire considéré est alors donné par :
Les repères
et
associés aux deux développements ont des orientations différentes mais ils ont
même forme et même grandeur puisque les produits scalaires deux à deux des vecteurs de ces repères sont donnés par les valeurs en des
coefficients de la métrique riemannienne. Par suite, les quantités
définissent une rotation qui fait passer d'un repère à
l'autre.
En conclusion, on voit qu'un déplacement associé à un cycle élémentaire laisse fixe l'origine du cycle et se réduit donc à une rotation autour de
ce point.
Tenseur de rotation - Montrons que les quantités
sont les composantes d'un tenseur. Pour cela, utilisons le changement de
base du repère naturel :
d'où :
Appliquons à la relation précédente le symbole de différentiation , il vient :
Échangeant l'ordre de différentiation et soustrayant membre à membre, en remarquant que l'on a:
d d , on obtient la différence géométrique des vecteurs :
Les quantités
d d sont les déplacements géométriques des nouveaux vecteurs
et
ces déplacements sont de la forme :
Les relations (6.92) et (6.93) nous donnent, compte tenu de l'expression (6.89) :
Par identification des coefficients des vecteurs
dans les deux membres de cette dernière relation, il vient :
ce qui montre que les quantités
sont les composants mixtes d'un tenseur du second ordre.
|